Pour un paquet de Philip Morris bleu.

Il y a quelques années de ça, je cours vers le tabac qui est au coin de ma rue, il est 18 h 54, ma buraliste est pointilleuse sur ses horaires de fermeture.
J’y suis.
Un peu essoufflée, beaucoup distraite.
Un gars en sort tout juste, petit sourire, bonsoir timide, il me tient gentiment la porte.
Je le connais ce mec mais impossible de me souvenir d’où.
J’ai les méninges qui crépitent à cent à l’heure pour y coller un nom mais le doute persiste. Je lui réponds un chaleureux « Bonsoir ! » Il re-sourit plus franchement cette fois ci me confortant dans l’idée que « c’est sûr, je le connais ce mec ! »
Blouson en cuir usé, jean et santiags. Bonne gueule, yeux fatigués et cheveux emmêlés.
J’ai pendant quelques temps, travaillé dans un bar et ce type a l’allure des clients que j’avais pour habitude de servir, l’allure de mes petits piliers de comptoir qui me racontaient leur vie, au fond de la nuit, entre les embruns d’alcool et la fumée des clopes mal écrasées. Clients que j’affectionnais grandement.
Ça m’ennuie de ne pas me rappeler de lui alors je fais comme si, je reprends mon ton de serveuse, mon ton tendrement franchouillard et je me lance :
« -Alors ! Qu’est-ce que tu deviens ?
– Ben écoute, ça va plutôt bien…
– Bon bah super ! A la prochaine alors ! » que je dis en me dirigeant vers la caisse.
Et au moment de demander mon paquet de Philip Morris bleu, devant la moue amusée de la buraliste, tout s’éclaire : ce gars que je croyais si bien connaître, c’était Alain Bashung.

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Texte publié en septembre 2013 sur textescourts.fr

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