Mon cœur mon amour, encore un peu de cyanure ?

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« Pourtant chacun tue ce qu’il aime »

Par un chaud début d’après-midi estival, alors que nous étions une bruyante tablée, entre café et pastèques, Valérie, 42 ans,  s’adressant à son mari, Alain, 48 ans : « Allez mon grand, on y va, je vais te mettre à la sieste ! » Et crois-moi, ça sentait pas vraiment, la sieste crapuleuse. Juste un flagrant délit de maternage abusif. Un de plus. Alain, qui s’était déjà fait priver de café arrosé, sans broncher mot, quelques instants auparavant,  s’est levé docilement pour suivre sa maternal-girl. Alain est un homme mort depuis longtemps testostéronnement parlant. Cette bien triste anecdote m’a fortement marquée. J’ai alors commencé à regarder, avec une attention toute particulière, les couples et leurs fonctionnements autour de moi. Et comme je suis une fille joyeusement désabusée, je me suis appliquée à n’en retenir que les naufrages, les silences qui pèsent trois tonnes, l’érosion du désir, l’insidieux ennui qui gangrène les cœurs. Trop de questions se livrent  à une bataille sans trêve, en mon for intérieur : Pourquoi faut-il que, presque toujours, le temps rogne les chairs tendres de l’amour ? Qui sont ces carcasses, qui vont deux par deux, plus ou moins atteintes d’ostéoporose ? A qui sont ces lits où l’envie s’effrite ? Et surtout, SURTOUT : pourquoi persiste-t-on à vouloir vivre en couple ?

Paul & Violette.

Ils se sont amourachés, un soir de printemps, lors d’une fête étudiante, sombre et enfumée, sur fond de musique  qui raye les tympans. C’est toujours un peu étrange d’imaginer que, deux petits êtres qui n’ont pas même eu l’audace d’être franchement vilains, juste d’une banalité qui frise la transparence,  puissent, mutuellement, se REPÉRER. Elle a vu ET kiffé cette grande tranche de melon maladroite. Il a remarqué ET aimé cette petite bonne femme resplendissante de pas grand-chose. Bref, au milieu de la foule, leurs regards se sont croisés et, instantanément, à l’unisson, leurs cœurs se sont mis à battre.

Marteau-picoeur.

Abordage.

Jambes-Parkinson.

Mains moites et hésitantes.

Déglutition pénible.

Conversation quelque peu poussive.

Et là, incroyable découverte : ils sont tous les deux de signes astrologiques marins !! Paul est blobfish ascendant nounours. Violette est thon ascendante mante religieuse. Coïncidence…? [ACHTUNG ! L’état amoureux a, allègrement, tendance à faire proliférer ces coïncidences totalement tirées par le chignon. Ndlr.] Aidées par l‘alcool, les langues se sont déliées en de très sportifs galochages et, c’est emmêlés comme des tagliatelles qu’ils ont fini par quitter la soirée. Si seulement ces flammes, qui lèchent l’intérieur de tes cuisses, excitant le feu de tes entrailles, pouvaient durer toujours. Le lendemain, c’est des étoiles plein les cheveux, qu’ils ont décidé de ne plus jamais se séparer, de se METTRE EN MÉNAGE. [Là, y a Luc du 23-34, qui tient à la ramener : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font, dit-il, d’un air absolument désespéré.]

Entre une virée chez IKEA et des culbutes aussi impromptues qu’urgentes, un été chaud et orageux s’est installé. Électricité dans l’air. Comme tout être, un minimum civilisé, (doux clin d’œil à mes sœurs, en passant)  Paul et Violette possèdent, chacun, un compte Facebook. Et aussi improbable que cela puisse paraître, Monsieur a réussi à se persuader que toute bite passant dans les parages ne peut avoir d’autre ambition que celle de sauter son ½ cageot, pendant que Madame se tricote une jalousie des plus virulentes en lorgnant les photos de Petite Loutre du 31. Afin d’apaiser toutes ces tensions, la création d’un compte commun et unique (ou « compte-siamois ») est unanimement décidée : « PépèreEtPitchoune Grokiff » is born. Mais ce que les tourtereaux ignorent, c’est que le ver sournois a déjà commencé son sinistre travail à l’intérieur de leur petite pomme d’amour.

Après la fusion et l’osmose, voici venu le temps de la perpétuelle et usante confrontation. Repas du soir ou choix du programme télé, la moindre futilité est prétexte à des affrontements sans répit. Et le tout, bien souvent, sous l’œil embarrassé d’un entourage qu’ils n’hésitent pas à prendre en otage . « Dis-lui que c’est MOI qui ai raison, dis-lui ! » Le malaise fait rage. Ne subsiste plus que, faiblement, leur passion commune : Brico Dépôt, le samedi après-midi.

En septembre, l’indifférence se ramasse à la pelle. Aux guéguerres se succède la lassitude. (chienne fidèle) Paul et Violette sont au restaurant; ils fêtent leurs noces de PQ et vivent ce tête à tête comme une véritable corvée ponctuée de vide. Ils réussissent l’exploit fou, d’un repas tout entier sans décrocher un mot, sans un regard, sans une main qui se perd sous la table. Inutile de préciser, qu’ils sont aux frontières de la tragédie grecque. Ils se sont laissés engloutir par le quotidien et, en amour, le train-train est une pute corrosive. Les nuits sont redevenues à but réparateur et les réveils sont sans surprise. Violette vit la lunette des chiottes relevée, comme une véritable provocation. Paul vit la culotte de Violette, qui traîne dans la salle de bain, comme une tentative de viol de son intimité. C’est officiel : ils ne peuvent plus se sacquer.

Par un frileux petit matin où l’hiver avait neigé tout son mépris, la minuscule étincelle d’admiration qui vivotait encore dans les yeux de Violette s’est subitement court-circuitée. Pendant qu’au même instant, Paul se faisait cette surprenante remarque : « Tiens, Violette a la fesse molle. » Parce que le temps salaud est le meilleur remède contre la cataracte du cœur. Les histoires d’amour finissent mal, en général.

@LilasGoldo

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